21 févr. 2011

Si (d'après Kipling)

Si tu peux en une heure voir sombrer ton pays
Dans le chaos qu'engendre la fin d'une tyrannie
Et lever le poing, la voix, pour changer ton avenir
Ou si devant les armes dressées de la police
Tu sais voir des victimes au lieu d'une milice
Si tu peux te relever d'une ère d'iniquités
En cherchant la justice au lieu de te venger

Si les sirènes de la corruption et de l'abus de pouvoir
Ne peuvent plus t'assourdir et si tu peux les voir
Atteindre l'esprit de ceux qui y ont intérêt
Et ne pas pour autant céder à leurs attraits
Si tu peux de toi-même sortir de la misère
Sans mettre ton pays à feu et à sang

Si en étant tombé de Charybde en Scylla
Tu survis aux séismes et au choléra
Contre un vol de vautours qui obscurcit ton ciel
Inlassablement, tu te bats, tu te bats, tu te bats

Si tu n'as que des pierres pour repousser les chars
Et qu'autour de ta terre on dresse des remparts
Si chevillé au cœur tu sais garder l'espoir
De retrouver un jour après une vie de lutte
Ta fierté, ton honneur, si tu atteins ton but
Sans laisser la rancœur pourrir ton renouveau
Si tu sais quelque part apercevoir le beau
Et le faire tien, enfin, dans la paix des voisins

Si l'un des tiens peut seul, du fin fond d'un cachot
Offrir la liberté à ses frères esclaves
Et gagner pas à pas à force de discours
Le cœur des nations pour retrouver le jour
Si le pouvoir conquis tu sais le partager
Et rendre à tous courage et dignité

Si enfin en sachant la victoire acquise
Tu peux garder vivants ceux à qui tu l'as prise
Et ne pas t'endormir sur les lauriers nouveaux
Qui faneraient bien vite sous l'ère du repos
Si plus jamais un règne ne saurait t'enlever
Le droit de vivre libre et de t'indigner
Si tu gardes en tête que le pouvoir est tien
Et ne cesses jamais d'en être le gardien

Tu seras en démocratie, mon peuple!

30 nov. 2010

In the Mood for Love

C'était un soir de novembre, nous avions décidé de célébrer nos amours et nos bonheurs. Nous trois, Thomas, Aurélien et moi, et vous tous, nos familles, nos amis, nos aimé(e)s.
La fête a laissé dans les mémoires les couleurs floues des rires, des rencontres, de la musique, des étreintes. Ce soir-là, plus que jamais, les fées ont soufflé sur le berceau de nos amours grandissantes et le vent a dispersé leur don sur tous nos invités.
Dans l'effervescence, nous avons cependant oublié, laissé de côté, le symbole célébré.

Nous trois. Eux deux, que je voudrais vous présenter.

Après des mois de lutte, j'avais perdu mon père. J'ai trouvé auprès des amis la chaleur du réconfort et de l'autre côté de l'océan, mon cœur avait battu, à nouveau. J'étais prête à recevoir la vie qui m'attendait. Elle s'est présentée un soir de juillet et portait le doux nom de Thomas.

Une soirée m'a suffit à savoir qu'il était celui que j'avais attendu et espéré. Le brio, l'intelligence pétillante, l'humour des mots, la tendresse au bout des doigts, le velours dans le regard, déjà ce premier soir, je l'aimais.
A travers les quelques mois de passion, la fuite, le retour, une année entière de chaos, rien n'altérait cette évidence. Cet amour-là ne dépendait pas de sa réciprocité.
Et puis, magie, il s'est décidé. Il prendrait le risque de vivre enfin.. à mes côtés.

La première pierre de l'édifice, la plus solide, nous l'avons baptisée : Liberté.
Nous voulions nous aimer librement et nous offrir mutuellement la liberté d'aimer ailleurs, différemment.
Notre contrat portait un nom, polyamour, et d'autres que nous marchaient déjà sous sa bannière. Nous nous sommes joints au mouvement.

La première rencontre avec les polyamoureux fut aussi l'occasion de mon premier échange avec Aurélien. Conversation muette de regards qui se croisent à travers les rires. Sa seule présence assourdissait les sons, tamisait les lumières, son silence et son regard suffisaient à le faire exister.
Après quelques semaines de timides approches, Aurélien et moi nous sommes finalement trouvés. Notre première nuit me laissa hébétée de bonheur, de passion, de sensualité.

Très vite, j'annonçais à Thomas que nous serions trois, désormais.
Aurélien m'a ouvert grand les portes de son cœur et de sa vie avec une déconcertante simplicité. Nos vies s'emmêlent, s'enchevêtrent, fusionnent dans nos passions partagées, la musique, la radio, la photo, dans les paradoxes de nos personnalités, la douceur, la force, l'orgueil, l'humilité, la jalousie, la générosité ; nous descendons chaque jour un peu plus loin en nous-mêmes. Tout sous l'œil d'Aurélien gagne en intensité.

Un an plus tard, aujourd'hui, voici mes amours, Thomas et Aurélien.
Chacun d'eux a su cultiver à sa façon les jardins mitoyens. Pour mon bonheur et ma sérénité, ils se sont tout d'abord toléré, puis apprécié. Leur relation aujourd'hui est d'une discrète mais sincère complicité. Chacun d'eux est à la fois source et cascade, chacun d'eux à son tour m'apaise et me bouleverse. A chacun d'eux, j'offre tous les jours mon temps, mon énergie, ma plus profonde admiration et tout mon amour.

Thomas et moi nous sommes placés sous la très officielle protection de la "Grosse Marianne". Il est mon compagnon, le ciment de ma vie, le père que je désire pour mes enfants, mon amour.
Aurélien, privé par nos choix de statut officiel, n'en est pas moins près de moi, chaque jour. Il est mon inspiration, mon souffle, mon refuge, mon amour.

Vous tous qui avez partagé cette soirée de fête avec nous, vous qui n'avez pu être présents qu'en pensée, vous qui nous faites aux uns et aux autres le cadeau de votre amitié, vous qui n'êtes plus là pour vous en réjouir mais qui n'avez jamais quitté nos pensées, vous enfin, dont le scepticisme n'entache pas la bienveillance,
Sachez que nous sommes heureux.

2 mai 2010

Tous voiles dehors

Oyez, oyez, bonnes gens! Voici la dernière hypnose du gouvernement!

L'histoire commence il y a quelques années, lorsqu'une nuée de Batman voilés s'est abattue sur notre bonne vieille Fille Aînée de l'Eglise.

Femmes d'émirs dépensières ? Afghanes échappées de Kaboul ? Laiderons complexés ?
Que nenni ! Dans l'immense majorité des cas, de bonnes filles bien de chez nous avec des prénoms comme Anne ou Laetitia, qui se sont entichées d'un boucher halal mal fagotté et ont célébré ça en s'offrant un bel abat-jour noir tout neuf.

La fille rebelle du XXIe siècle ne se fait pas tatouer des corbeaux sur les joues, elle ne se fait pas percer des trous aux endroits les plus improbables, elle ne s'envoie pas en l'air avec tout le quartier (c'était le bon temps!) pour emmerder ses vieux parents réacs, non, la rebelle d'aujourd'hui se convertit à l'islam sans avoir jamais lu (ou compris) le Coran, se trouve fissa un type à épouser, de préférence avec écrit "Kamikaze power" sur son kieffieh, et s'enfouit intégralement sous un linceul noir charbon qui fait peur aux enfants.
C'est sûr qu'ils sont pas prêts de lui remettre la main dessus, les darons! Tu les imagines errant dans la ville, cherchant leur fille avec une photo en disant : "vous reconnaissez ces yeux? faites un effort!"

N'eût été le combat des femmes d'ailleurs contre les obscurantismes qui les considèrent comme des "objets impurs qui risqueraient de souiller le regard des hommes chastes et vertueux", la menace de lapidation ou de fouet pour "tenue indécente" encourue par celles qui en d'autres terres osent porter le pantalon, elle seraient presque drôles ces sottes, à revendiquer une liberté vestimentaire qui symbolise l'anéantissement de la liberté et ce au nom de la liberté de culte.. ou du droit des femmes..

Elles sont utiles, surtout, quand leur voile noir se transforme en chiffon rouge qu'agite frénétiquement le gouvernement pour détourner l'attention des électeurs de ce qui les inquiète vraiment : leur présent, leurs emplois, leurs salaires, leur futur, leurs retraites, la garde de leurs enfant, leur éducation, le toit sur leurs têtes, la nourriture dans leurs assiettes.. considérations triviales que tout cela! Ce sont des filles voilées qu'il faut avoir peur, on vous dit! D'ailleurs, on va faire une loi, là, tout de suite, parce que le chiffon rouge brûle, parce que la dignité de la France l'exige. La burqa, c'est caca, le tchador, dehors!

Ce qu'il y a de bien avec les clichés c'est que vous soulevez une pierre, il y en a douze qui sortent. Alors bon, comme les électeurs, malgré tous les efforts de MM. Hortefeux, Besson et consorts, n'avaient pas l'air plus affolés que ça de voir des filles paumées se déguiser en chauve-souris, on est allés chercher dans les keffieh des maris qui sont sûrement infestés de poux, comme chacun sait !
Et il en est des femmes voilées comme des clichés, on soulève un keffiehh, il y en a douze qui sortent.

Ah! En voilà un sujet qu'il est beau et qu'il fait peur!
La POLYGAMIE, Mesdames et Messieurs! Figurez-vous que des arabes qui veulent épouser Belphégor, y'en a pas des masses, du coup, les filles rebelles, elles finissent toutes avec le même ! Sauf que bon, la polygamie en France, ben c'est interdit. Donc il en épouse une et il fait des autres ses "maîtresses", leur fait des enfants, les entretient (bon, sauf qu'un salaire de boucher pour 4 familles, c'est un peu juste alors la CAF met au bout) et ça fait la Rue Michel!
Et là, c'est le drame!
Parce que ce mec, là, avec ses familles au goût vestimentaire douteux, en quoi il est différent de Mitterrand, dites-moi ? Pas le même standing, je vous l'accorde, et visiblement plus vaillant, mais enfin, envisager de déchoir un français de sa nationalité parce qu'il a procréé hors cadre légitime et qu'il assume, c'est l'hôpital qui se fout de la poutre, non?

Voici maintenant qu'il est question de qualifier un délit de "polygamie de fait" et là, je dis "Hola! Bijou!"

Qu'on protège les institutions, fussent-elles archaïques comme le mariage, c'est une chose, mais légiférer sur le lien de fait entre adultes consentants, ça devient du délire! Et pour le coup, les électeurs, il leur reste quoi une fois qu'ils ont perdu leurs emplois, leurs salaires, leurs retraites et qu'en plus on
RE-PENALISE L'ADULTERE ??

Le problème de ce gouvernement, c'est qu'à force d'agiter un chiffon rouge juste devant son intimité, il va se faire émasculer.

3 avr. 2010

Un voyage à Cythère

Du Radeau de la Méduse au Bonoboat
Drame en 3 actes



Personnages :



Acte 1

Un vendredi soir de mars, mes amours et moi avons entrepris un périlleux périple à bord de notre Shortbus d'apparat afin de rejoindre quelques polys de nos amis dans d'hostiles plaines orientales.
Après de longues heures de route, nous arrivâmes fourbus mais heureux de l'accueil chaleureux de nos hôtes sur la scène flottante de cet épique aventure (pléonasme redondant, je sais, mais elle mérite tous les superlatifs).

Le souvenir de notre première rencontre bisouteuse avec l'équipage nous avait à tous laissé espérer un délicieux week end de luxe, de calme et de voluptés.

L'un de mes amoureux avait affiché l'ambition de monter à l'assaut d'une charmante autochtone. Forte d'avoir su "communiquer avec amour", j'envisageais cette perspective avec une relative sérénité.
Mais déjà le drame se jouait sur un autre front.

C'est que mon autre amour aussi nourrissait des espoirs d'une chasteté douteuse à l'endroit de notre hôtesse (et je l'appris plus tard, à l'envers de notre hôte). Sauf qu'au fait de mes premières craintes quant aux amours naissantes de mon autre trésor et inquiet de ma réaction face à cette nouvelle configuration, il avait omis de m'en faire part, attendant le pied du mur pour m'informer de son escapade.. à deux pas de mon lit.

Tremblante de colère et, je l'avoue volontiers, d'une jalousie que n'aurait pu apaiser, s'il avait été temps, qu'une longue discussion ponctuée de câlins, je montai sur le pont confier mes tourments à l'aube naissante.

Le décor est posé, l'intrigue prend tournure et déjà sonne à nos oreilles la question dont la réponse se fera attendre tout un week end d'hiver :
"Mais qu'allions nous donc faire dans cette galère?"

Acte 2

Scène 1
Sur le pont du bateau

Alors que je couchais sur le papier mes pensées sombres (à poil sous mon manteau et en charentaises.. en Alsace.. en mars.. il neigeait ! folle dingue!), je fus rejointe par notre hôtesse toute penaude du séisme involontairement déclencé et dûment armée d'une bouteille de jus d'orange et d'un paquet de clopes (truc à retenir pour qui voudrait me corrompre).
Je la rassurai bien vite sur l'objet de mon ire. Elle ignorait tout de mon ignorance des projets de mon maladroit à son égard et n'avait été que la circonstance de la découverte d'un sérieux problème de communication.
Nous profitâmes de ce matutinal moment d'intimité pour tenter de démêler les fils de sa vie pour le moins tourmentée.
Puis nous redescendîmes parmi les endormis, riches l'une et l'autre d'une nouvelle amie, afin de préparer le petit déjeuner.

Scène 2 Déjeuner en ville

Huit litres de café plus tard, une fois nos hommes levés, nous étions prêtes malgré la nuit blanche à affronter une journée dont le programme ouvrait encore une fois la porte à toutes les fenêtres.

Une bonne douche -allongée trois fois par la présence de mon Maladroit- m'ayant temporairement rassérénée, nous grimpâmes de nouveau à bord du fidèle Shortbus en quête de la toute puissante Reine des dieux de cette vallée.
Malgré les tensions sourdes, nous partageâmes dans une relative gaieté une vache et des patates, amplement méritées.
L'honneur de cette rencontre était attendu de longue date et la Reine des dieux éclaira cette fraîche journée de son sourire radieux et de ses conseils avisés.

C'est néanmoins fort las que nous nous reprîmes la route vers notre frêle esquif afin d'y prendre un court repos et de préparer corps et esprits à la prochaine soirée.

Scène 3 Sur le pont (bis)

De retour sur le bateau, malgré le poids écrasant de la fatigue et du chagrin mal éteint, je décidai de retenir mon Maladroit afin de venir à bout du malaise lancinant qui me tourmentait.

Ici, une petite digression s'impose sur ma façon toute personnelle de réagir aux évènements.

Je suis ce que j'appellerais une "hyper-communicante". Je suis consciente que ma perception des actions des autres ne correspond pas toujours à la réalité de leurs intentions, tout particulièrement lorsque ces actions me font souffrir.
J'éprouve un besoin irrépressible de comprendre les raisons de ma peine, je cherche tous les moyens, l'écriture, la parole, la musique, etc.. de savoir ce qui me blesse dans le comportement d'un être cher. Une fois que je pense avoir trouvé un commencement de réponse, je dois absolument en parler avec cette personne. Mon chagrin et ses manifestations sont aussi sujets à interprétations erronées que les actions de tout un chacun et il me faut d'une part les expliquer, d'autre part m'assurer que celui qui m'a blessée sache le pourquoi et le comment pour lui laisser une chance de ne pas reproduire le comportement blessant. Je peux revenir encore et encore sur un sujet (au risque, j'en ai peur, d'en devenir insupportable), aussi longtemps que de nouvelles clés de compréhension se font jour.. et tant que le malaise persiste.

Fin de digression.

Voici en l'occurrence, l'objet de mon tourment tel que je l'ai présenté alors à mon amoureux (et enrichi de réflexions ultérieures).

Tout d'abord, quoique j'aie su qu'une correspondance était engagée entre mon amour et notre hôtesse depuis quelques semaines, rien dans ce qu'il m'en disait ne laissait entendre qu'il se fut agit d'autre chose que d'une amitié naissante. L'une des plus belles qualités de cet homme étant son exceptionnelle capacité d'écoute et d'empathie, j'étais heureuse qu'une autre y trouve le même réconfort que moi.

Je n'ai compris que l'échange amical s'était mué en idylle qu'à l'instant où il m'exprimait son désir de dormir auprès d'elle. Le choc que je reçus sur le moment s'explique de plusieurs façons.
J'ai eu le sentiment d'être tombée dans un traquenard : Chacun de mes amoureux était donc venu retrouver une belle.. je n'avais été que la fournisseuse de Shortbus.

Le savoir avant de partir aurait-il changé nos plans ? Sincèrement, je ne le pense pas. J'aurais simplement eu l'impression d'avoir le choix de refuser.. et donc de consentir librement et en toute conscience.

Comment interpréter le silence de mon amoureux quant aux espoirs qu'il concevait vis à vis de notre hôtesse ?

Ici encore, on note le gouffre qui sépare ma perception de ses intentions :

Pour moi, ce silence était le signe qu'il doutait de ma capacité à accepter une situation qui est pourtant la base de notre relation, à savoir le fait qu'il éprouve des sentiments pour d'autres. Cela signifiait aussi qu'il était capable de me cacher des informations importantes pour éviter d'avoir à s'en expliquer.

Pour lui, il ne pouvait pas m'annoncer à l'avance ce qui n'était qu'une éventualité à ses yeux. Il ignorait la façon dont se concrétiseraient ces approches virtuelles et ne se sentait pas capable de formuler ce dont il n'était pas sûr.. craignant sans doute de voir ses espoirs anéantis du simple fait de les avoir exprimés.

Une fois ce point éclairci, il nous restait encore à trouver le moyen de sortir de l'ornière.
Il n'était pas question pour moi qu'il renonce à vivre la relation qu'il espérait. Non seulement je comprenais son désir et sa tendresse pour notre délicieuse hôtesse, mais encore étais-je réellement heureuse que ses sentiments soient partagés.
Et puis c'eut été trop facile ! Il n'est pas dans ma nature d'opposer un quelconque veto à l'amour de mes amours.. c'est contre ma religion !
Il lui faudrait donc réussir la prouesse, tout en s'abandonnant à son ivresse, de trouver les mots et les gestes qui me rassureraient et me rendraient la confiance en sa sincérité.

Tout ceci ayant été dit avec force larmes et maladresse de ma part, nous restâmes sur ces bonnes résolutions et redescendîmes bras dessus, bras dessous rejoindre nos amis encore tout ensiestés dans le chaleureux giron de notre embarcation.



Scène 4 Six poly sur un bateau

L'après-midi s'était déroulé sans incident notable, voire même dans une légère effervescence, dans l'attente de la soirée prévue.
Le dîner au restaurant fut pour le moins agréable et les regards coulissants laissaient présager une issue.. pluriellisante.

De retour sur le bateau, l'ambiance était aux chandelles, à la musique douce, au champagne et aux épices. L'ivresse à mesure qu'elle faisait briller les yeux commença à rapprocher les corps.
Les consciences étaient sereines, mais l'inconscient en embuscade n'attendait que son heure pour un nouveau sursaut.

Les corps blancs enlacés dans leur nudité la plongèrent dans le noir.

De langoureuse, l'atmosphère se fit d'un coup pesante. L'une se relevant doucement du choc, l'autre s'abandonnant à sa frustration. Mon Maladroit et moi tentâmes une médiation. Les blessures amoureuses font parler une langue étrange qui demande quelques fois les services d'un interprète.

Je me trouvai quant à moi rassérénée de voir mon autre amour dans les bras de sa nouvelle belle. Deux d'entre nous au moins seraient heureux ce soir et au milieu de toute cette agitation, je découvrais enfin le sens de "compersion". Ils disparurent discrètement et ne se manifestèrent plus qu'au paroxysme de leur plaisir.

Quant aux quatre restés à quai, nous passâmes encore la nuit en paroles, à la recherche sinon du consensus, du moins de la compréhension.
Au petit matin, je cédai aux injonctions de Morphée qui me tendait les bras et partis me coucher, laissant derrière moi ceux qui avaient encore tant à se raconter.



Acte 3

Scène 1 Six poly sur un bateau (bis)

La nuit avait feutré de son obscurité les conversations qui devaient se tenir. Ce sont des corps groggy par le manque de sommeil mais des âmes apaisées par le dialogue renoué que le matin brumeux vint timidement cueillir.
Malgré un solide repas et de nouveau des rires, une armure encore devait se fissurer.
L'insouciance n'est pas un vaccin imparable aux tempêtes du coeur, mais l'amour et la tendresse savent sécher les pleurs.

Ce dernier récif passé, le bateau flottait encore. Le temps reprit son vol et aux heures propices, subtilement, à nouveau, les regards coulissèrent, les pensées, les envies, se firent plus légères.

Un éclair de peau blanche, une serviette qui glisse, le signal est donné des délices de Cythère.

Scène 2 Sur la route du retour

Un dernier baiser à notre hôtesse, un dernier regard à l'abri de nos aventures et mes amours et moi reprîmes le chemin des frimas parisiens à bord de notre fidèle Shortbus.
Un arrêt sur la route s'imposa pour épancher les larmes qui embuaient le regard (et gênaient la conduite) de mon Maladroit. Le trajet du retour se fit sans encombres.. sans paroles ou presque, aussi ; chacun trouvant en soi-même un peu de silence et de paix... ou pas.
La nuit était déjà bien entamée lorsqu'enfin nous rendîmes nos corps fourbus et nos âmes cabossées au sommeil réparateur qu'ils réclamaient.

Nous avions survécu au week end de tous les dangers, évité le naufrage, redessiné les cartes et forcément, en arrivant au port, nous avions changé.

RIDEAU.

3 mars 2010

Giboulées

Le problème quand on n'a rien posté depuis plus de deux mois, c'est qu'on a tant de choses à raconter qu'on ne sait plus par où commencer.

L'identité nationale?
Ou comment avoir honte de son pays et de ce qu'en fait son gouvernement. Une grosse envie de rendre son passeport et de préférer l'apatridie à la nationalité discutable. (Une bonne envie aussi de jouer au bowling avec la tête de certains ministres).

Le séisme en Haïti ?
Ou comment trembler avec la Terre pour la vie de ceux que l'on connaît si peu, mais tellement déjà. Voilà bien longtemps que je n'avais pas pleuré devant ma télé. Voilà bien longtemps aussi qu'un ami ne m'avait pas inspiré l'admiration qui me fait un orgueil de ton amitié, ECP.

La Saint Valentin ?
Solitaire, l'an dernier, pléthorique cette année. Avec une fête, des rires, des baisers, de nouveaux gens à aimer. Et puis pouvoir fièrement servir à mon aimé un peu de la mémoire de mon Papa pour le dîner.

Mes amours doubles aussi, qui croissent et embellissent.
Se trouver à nouveau dans le sens du courant après s'être obstiné à ramer contre le vent. Et voir l'amour nouveau s'enraciner dans son évidence et résister, lui aussi aux premières turbulences.

L"Amour" à la télé ?
un microévènement qui a eu le mérite de me faire rire et de m'attirer des regards de biais dans le métro.

Mon travail sur les trans, ou la reconnaissance d'un métier qui longtemps m'a tenue pour quantité négligeable et qui désormais s'aperçoit que je pense.

Et les anniversaires.

Il y a un an environ, j'ai tourné les talons, bien décidée à m'en tenir à ma détermination et j'ai fui avec toute la dignité dont j'étais capable ta trop douloureuse valse hésitation. S'en sont suivis trois mois dans le noir, sans ta lumière et sans tes bras. Tu m'es revenu depuis et tu t'es installé, pas à pas, dans ma vie. Et je suis bien consciente que ton absence d'aujourd'hui ne dure que le temps que durent les vacances.

Et puis le 3 février, nous aurions fêté les 60 ans de mon Papa.

27 déc. 2009

Noëls pluriels

Si ma vie a jamais eu un quelconque intérêt "[é]romanesque", elle a atteint cette semaine son paroxysme de bonheur étrange et "blogogénique" (oui, c'est noël, je m'offre des mots..).

Les fêtes de Noël sont un défi d'organisation, notamment pour les familles nombreuses, les recomposées, les couples, à peu près tout le monde, en fait..
Organiser ses réveillons lorsqu'on vient d'une famille nombreuse et qu'on a deux amoureux, ce n'est pas multiplier par trois la difficulté, c'est l'élever au cube.

Mardi, la Belle Amazone me proposait quelques heures de détente dans un petit hammam naturiste et mixte du Marais. En compagnie de l'Eau Qui Dort (fort opportunément atteint d'une maladie qui l'empêchait d'aller au boulot mais pas au hammam), la journée défila dans la vapeur, les remous, les douces caresses, la complicité, d'un un écrin de chaleur au milieu de l'hiver. Le goûter au Loir, l'amitié naissante, l'amour partagé, les regards échangés, laissèrent sur toutes les lèvres le goût du délicieux inattendu.

Mercredi, j'accompagnai l'Eau Qui Dort en Normandie à la rencontre de son père et sa famille. Je suis toujours émue d'un voyage en amoureux. Prendre le train ensemble, explorer ensemble de nouveaux lieux, contempler de nouveaux paysages, rencontrer ceux qui comptent, ouvrir une des fenêtres de sa vie.

Jeudi, je rentrai tout droit chez l'Homme où je passai l'après-midi à m'ébattre joyeusement dans sa cuisine, bien décidée à impressionner toute sa famille qu'il réunissait chez lui le soir même pour réveillonner. C'est cette famille débordante d'amour qui était impressionnante. Leur accueil chaleureux, la complicité de sa sœur, la pudeur tendre et bourrue de son père, la bienveillance de la "grand-mère adoptive", le rire de son beau frère, et sa nièce de 14 jours à peine qui s'endort dans mes bras.. et planant sur moi, le regard fier de l'Homme, sa tendresse, sa confiance, ont fait de ce réveillon un des moments les plus émouvants que j'aie vécus cette année.

Vendredi, c'était au tour de l'Homme de me suivre au déjeuner familial, de rencontrer ma mère et ma sœur, de voir l'endroit où j'ai grandi, encore tellement chargé de la présence de mon père. Enfin, l'après-midi et la soirée nous offrent un rare et précieux moment dans notre bulle d'amoureux.

Samedi, mon noël familial officiel ayant lieu dimanche, je suis relativement en retard sur ma course aux cadeaux. La date a l'avantage de m'épargner les hordes de consommateurs dans les magasins, et c'est au bras de l'Eau Qui Dort que je me lance dans ma quête. Je me laisse par moments distraire de mon objectif et m'autorise quelques détours. On sous estime souvent l'intérêt érotique des cabines d'essayage des boutiques de lingerie..

Dimanche, en famille :
" Tu as fêté noël dans leurs deux famille?
Oui.
Là, ça devient étrange
Oui."

C'est étrange, et beau, et doux que d'aimer et être aimée deux fois.
Mes amours m'ont fait vivre ces derniers jours comme dans un rêve... en mieux ;)

Joyeux Joyeux Noël.

18 déc. 2009

Le coup de la panne

C'est le paradoxe de la plume : plus votre vie est riche, en émotions, en sensations, en nouveautés, en aventures extraordinaires, en amis, en amours, en changements, en bonheurs (liste non exhaustive), bref, plus vous avez de choses à raconter, moins vous vous en sentez capable.

Peut-être est-ce dû à une subite et inattendue augmentation des oreilles amies, peut-être à l'urgence de vivre, peut-être aux tribulations chrono-phages du cœur, peut-être aussi un peu à l'envie de garder jalousement pour soi les beautés de sa vie..

Toujours est-il que depuis Toi, et Toi, et Toi, et Nous, Nous Deux, Nous Trois, Nous Tous, ma plume est sèche et stérile.

Et pourtant je voudrais crier vos noms à tous, vous mes bonheurs, pour prouver au monde qu'il sait être beau.

28 nov. 2009

November rains

Je vis parfois des mois à thèmes, des mois où tous les évènement se joignent et s'entrecroisent selon un schéma qui n'apparaît qu'une fois le thème révélé.
Ce mois de novembre s'est déroulé comme après une grosse averse, le torrent creuse son sillon.

Dans les premiers jours, je tombai sous le charme d'une Eau Vive. J'étais hypnotisée par la majesté de ses volutes, par la fluidité avec laquelle elle roulait sur les rochers, par le son haut et clair de son rire et l'éclat brillant de ses prunelles.
Ce soir-là, l'Eau Vive était accompagnée de sa discrète amie, la Brise d'un Soir d'Été, dont le sillage au parfum de vanille ressemble à la caresse que n'ose pas sa timidité. Cette rencontre me laissa toute rêveuse devant la variété des beautés de la nature.
Quelques jours plus tard, l'Eau Vive décida de réunir les éléments amis au foyer de la Braise afin d'y célébrer une nouvelle révolution.
Après avoir dûment festoyé et vu partir les derniers convives, restaient encore l'Eau Vive, la Brise d'un Soir d'Été, la Terre en invitée et la Braise en son âtre, prêts à répondre à l'appel de la volupté.
Se laissant aller à la douceur de la nuit, l'Eau Vive entreprit de faire de la Terre son lit, tandis que la Braise ravivait ses flammes au souffle de la Brise.
Dans le tourbillon des éléments, de douce, la nuit se fit brûlante et humide, la flamme, l'eau, l'air et la terre s'unissant dans une danse à faire pâlir les étoiles.
Ce n'est qu'à l'aurore naissante que Morphée laissa l'Eau Vive s'apaiser, bercée par la Brise et la Braise à nouveau se blottir au creux de son foyer de Terre.

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais nous n'étions encore qu'au début du mois.

Après une semaine, redevenus humains, c'est l'âge avancé de l'Homme que nous célébrions. Tout à la chaleur du flot continu des amis, l'Homme n'y vit que du feu lorsqu'un tsunami à démonter les portes apporta la joie indicible des belles surprises que l'amour inspira et que l'amitié permit.
Et c'est bien une larme qui perla à mon œil en voyant le bonheur dans celui de mon Homme.

L'histoire, encore une fois eût pu s'arrêter là, mais nous n'étions pas encore à la fin de ce mois.

Un soir, j'attrapai froid. Aimer rentrer à pieds sous la pluie de novembre est à ce prix, parfois. La fièvre et la musique ayant eu raison de projets une fois de plus aquatiques, j'aurais pu me résigner à rester au sec. C'était sans compter la visite de l'Eau Qui Dort.
L'Eau Qui Dort est un lac, du moins je le croyais, dans lequel j'avais déjà plongé des yeux rêveurs. Sa surface paisible absorbe les images et les sons et vous rend en échange un reflet sublimé. L'Eau qui dort m'offrit de soulager mes maux et un bouquet de roses plus tard, fit honneur à sa réputation. De ce miroir lisse surgit une montagne au sommet de laquelle je me trouvai juchée. Son flux et son reflux me laissèrent épuisée et dans un cri, enfin, mes douleurs envolées.

Je vous écris ce mot au retour d'une soirée où une enfant de cinquante ans me ramenait aux bras de mon père en faisant pleuvoir sur toute une salle les perles de sa voix de cristal.

Le mois de novembre n'est pas encore tout à fait terminé et je m'en vais retrouver la douce chaleur de mon cher Embrasé.

4 nov. 2009

Maelström

J'adore ce mot.. il est imbitable (on dit ça en radio), avec sa diphtongue, son tréma et toutes ces consonnes au milieu, un gros bordel en "lstr".

Ma vie du moment aussi, c'est un gros bordel en "lstr".

Il y a l'Éternel Voyageur qui revient de ses tribulations et qui encore une fois va atterrir chez moi. Sa valise sera pleine des merveilles qu'il aura vues et qu'il voudra me faire partager. Ses yeux seront pleins de l'amour qui ne s'est jamais éteint et que nous avons renoncé à définir. Sa présence sera comme toujours l'occasion de rires, de tendresse et immanquablement de colères homériques. J'attends ce retour avec une hâte mêlée d'appréhension.

Il y a la Grande Dame à qui la vie fait la gueule. Elle vient réfugier son âme bleuie sous les coups du sort dans le giron des rares amis que le malheur n'a pas fait fuir. Sa valise sera pleine du désespoir qui la chasse de chez elle et ses yeux seront pleins de l'orgueil de celle qui a tant souffert qu'elle ne demande plus d'aide. Pour elle il me faudra déployer les trésors d'humour et de légèreté qui me restent et faire comme si cette seule énergie pouvait panser la jambe de bois qu'elle voudrait brûler.

Il y a le Nouvel Ami au regard doux et à la parole sage. Le trouble qu'il provoque par l'intérêt qu'il me porte, par la proximité de nos interrogations et des réponses trouvées. La curiosité d'une nouvelle âme à aimer, d'un nouvel esprit à explorer.

Et puis il y a l'Homme qui me cerne de sa tendre bienveillance. Il a trouvé dans mes défaillances l'occasion de m'offrir ce que j'ignorais désirer. Il donne l'amour sans le nommer mais connaît les mots qui apaisent les peurs et les caresses qui consolent des chagrins. Et je me surprends à chaque pas à vérifier qu'il est bien là, prêt à me rattraper si je tombe.

Alors je reste droite, debout au cœur du maelström. Capable d'accueillir ensemble la joie des retrouvailles et la peine du départ, capable d'ouvrir ma vie à ceux qui veulent y entrer parce que je suis forte de la chaleur de ma flamme.

9 oct. 2009

Mozart chez les Zoulous

Vous avez-vu comme moi disparaître le soleil ces derniers jours.. ne cherchez plus, il est au théâtre du Châtelet jusqu'au 18 octobre.

Les amateurs de musique, notamment d'opéra et tout spécialement de Mozart connaissent par coeur l'oeuvre la plus populaire de la 2e moitié du XVIIIe siècle, j'ai nommé "La flûte enchantée". Un peu comme un Starmania de l'époque, cet opéra a été un véritable "arbre à tubes". Aussi, il est difficile pour le connaisseur de se laisser surprendre..
Jusqu'à cet improbable "Impempe Yomlingo".

Pour être tout à fait honnête, j'y allais un peu en traînant les pieds.. Grosse journée, grosse fatigue, voire léger blues, j'avais plutôt une grosse envie de pizza/télé/couette.. Mais j'étais attendue par ma maman, Mozart et l'Afrique.. grosse affiche!

En piste, donc!




Dès l'ouverture on est dans le bain.. Un chef, pieds nus et en treillis mais baguette à la main, dirige en sautillant un orchestre de balafons. Chaque note, chaque nuance et chaque intention y est, tout Mozart en percussions.. et mon jeudi morose se transforme déjà en sourire béat.
En fait, du début à la fin, la partition et le livret sont scrupuleusement respectés. Les paroles sont traduites et chantées en anglais et en xhosa mais loin d'en souffrir, le phrasé y gagne une nouvelle fraîcheur.

La mise en scène, la distribution et les arrangements rendent à cette grande oeuvre le rang suprême qu'elle n'aurait jamais dû quitter de divertissement populaire.

J'ai frôlé le fou rire en écoutant chanter Papageno et ses "Birdies", la puissance comique de ce Papageno est tout simplement sensationnelle!
Les esprits-guides apparaissent en revival de la Motown des 60's façon Supremes (elles s'appellent d'ailleurs les "Spirits") et plus tard en nuisettes roses et ont un sacré swing.
Pour la première fois (j'ai vu cet opéra sur scène une dizaine de fois en vingt ans), même le romantisme un peu mièvre de Tamino et Pamina ne m'a pas fait plisser le nez.
La sérénité de Sarastro et la colère de la Reine de la Nuit se diffusent avec la même énergie, sans pour autant tomber dans le manichéisme que j'ai souvent eu l'occasion de regretter dans les versions classiques.

L'interprétation est donc réussie quoiqu'elle présente parfois quelques faiblesses vocales que l'on aurait du mal à pardonner à des interprètes lyriques. Mais les pièges sont détournés avec grâce et même une certaine astuce.



Le grand air de la reine de la Nuit, peut-être le plus célèbre et le plus difficile de tout l'art lyrique, toujours très attendu, est audacieusement négocié par son interprète : certes, elle peine un peu sur le staccato mais s'en sort en jouant les nuances, et surtout sur la grande vocalise liée, elle parvient à chanter chaque note en modifiant légèrement la mesure. Un moment finalement très émouvant car l'écueil est magistralement contourné et sublime le génie de l'écriture.



La mise en scène est également un tour de maître puisque chaque protagoniste est à la fois musicien, chanteur et danseur et les postes s'échangent au fil des scènes en un ballet virevoltant.

En parlant de ballet, les scènes chorégraphiées, si chères au compositeur sont ici un régal pour les yeux. La danse africaine est chez elle en mozartie et très bien servie par des costumes traditionnels flamboyants de couleurs.

Je me rends compte en écrivant qu'aucun mot ne saurait décrire la chaleur et la jubilation contagieuses de ce spectacle. Aussi, je m'en tiens là et prends le pari que vous aussi aurez envie de sauter du velours rouge des sièges pour danser frénétiquement au rythme des tam tam de Mozart.