4 nov. 2008

Say it loud!

L'heure est solennelle, le moment historique, non pas parce qu'en ce jour je publie et j'expose pour la première fois sous vos yeux ébahis les fruits les plus goûteux de ma pensée unique (vanitas vanitatum), mais parce qu'outre-océan se prépare une (r)évolution fondamentale de la société occidentale.

Pourquoi, me direz-vous, ne pas attendre d'être certaine de l'issue du combat pour crier victoire ?
Parce que précisément, la victoire est dans le combat lui-même.
Parce que déjà résonnent à ma mémoire ces vers de Baudelaire :


Race d'Abel voici ta honte
Le fer est vaincu par l'épieu
Race de Caïn au ciel monte
Et sur la Terre jette Dieu*

*Les Fleurs du mal, Révolte, Abel et Caïn.

Est-ce possible? Il est... NOIR???

A ce stade, une précision me semble nécessaire.
Non, il n'est pas noir, ni afro-américain, il est métis!
Ces Américains ont tendance à voir le Noir partout.. selon les vieilles lois racistes des Etats du sud, vous êtes noir dès lors qu'une "goutte de sang noir coule dans vos veine". Aux dernières nouvelles, le sang ne devient noir que lorsque justement il ne coule plus nulle part.

Métis, donc, fils d'un immigré kenyan et d'une jolie blonde bien de chez eux. Mieux encore, né à Hawaï et élevé par blanche mère-grand (R.I.P.).
Si le raciste de base considère le Noir comme inférieur du seul fait de la pigmentation de sa peau, il voit le Métis comme le fruit toxique d'une alliance contre nature. Le Noir, tout inférieur qu'il est n'en est pas moins "pur", le Métis est une corruption.
Coupable, le Métis, d'être l'incarnation et la preuve vivante de l'absurdité des théories racistes.
Capable, aujourd'hui pourtant d'incarner les valeurs dont se réclame la nouvelle génération.

Lorsque ma prof d'Histoire de Terminale, Mme Petit, pour ne pas la nommer, claironna devant sa classe bigarrée de littéraires :"Le problème des métis est que, ne pouvant se réclamer d'aucune appartenance raciale, ils n'ont pas de repères, pas de racines, pas de culture",
elle vit 38 des 44 élèves présents se lever calmement, ranger leurs petites affaires et sortir sans un mot, répondant à la bêtise par le mépris.
Tous métis! Franco-espagnols, franco-suédois, franco-marocains, franco-germano-lituaniens, franco-sénégalais, franco-serbes, franco-arméniens, franco-congolais... Tous bien conscients de la diversité de leurs racines, de la solidité de leurs repères et de la richesse de leurs cultures. Témoignages vivants de la propension française (entre autres) au mélange.
Pauvre Mme Petit, les bourgeois parisiens n'étaient plus ce qu'ils auraient dû, et les Américains ne sont plus ce qu'ils étaient..

Pour autant, ne nous leurrons pas, nous sommes aussi ce que les autres voient en nous..
En ce qui me concerne, de père congolais et de mère française, je suis l'heureuse propriétaire d'une peau couleur café agrémenté selon la saison de plus ou moins de crème. Ce que j'en pense? C'est joli..
Etant issue d'une famille aux pigmentations variées, je n'ai jamais perçu la moindre influence de la couleur de la peau sur la personnalité des gens qui m'entourent. Ainsi, je suis bien incapable de me qualifier en fonction de ma couleur et lorsqu'on me demande d'où je viens, incapable d'imaginer que mon derme doré soit à l'origine du questionnement, je réponds spontanément "Paris 10è", parce que l'endroit où j'ai grandi me caractérise bien plus sûrement que les exotiques latitudes auxquelles je dois mon hâle.

Néanmoins je dois l'admettre, à force d'être perçue par l'extérieur comme une Noire, j'ai fini par développer un certain sentiment d'identification. La simple évocation de la traite négrière et de l'esclavage me colle la nausée, je souffre avec chaque Noir tabassé, avec chaque Africain affamé, plus qu'avec n'importe quelle autre victime d'injustice. Je me sens concernée.

Comme lors de ce dîner avec trois amis, plus précisément, mon colocataire, métis coloré comme moi, mon amoureux de l'époque, Blanc, et ma grande amie de toujours, cosmopolite et Blanche, elle aussi. Elle rentrait tout juste d'un voyage en Afrique du Sud. Il ressort de la conversation qu'à présent que l'Apartheid est aboli, les Noirs rétablis dans leurs droits, mes deux amis Blancs considèrent, de façon parfaitement rationnelle, ce pays comme tout à fait fréquentable. En revanche, les deux "assimilés Noirs" que nous sommes mon coloc et moi avons réagi de façon épidermique. NON! Même si cette société a changé, tous les Blancs de ce pays de plus de 14 ans ont été éduqués dans la conviction absolue de leur supériorité sur les Noirs. La violence de cette idée horrifie instantanément quiconque pourrait en être la vicitme.

La couleur de la peau tisse bel et bien un lien, elle réunit dans une mémoire collective toutes les souffrances qu'ont subies des générations d'êtres humains, uniquement en raison de la quantité de mélanine qu'ils étaient capable de produire. Cet héritage est lourd ; à trop le revendiquer, on s'empêche d'avancer. Nous vivons en des temps où enfin nous pouvons être reconnus uniquement pour les hommes et les femmes que nous sommes. Mais sans crier vengeance, nous pouvons légitimement nous réjouir de cette reconnaissance d'un seul qui rejaillit sur tous.

C'est pourquoi, en cette heure solennelle, ce moment historique, qu'il gagne ou qu'il perde, pour la première et la dernière fois,


I want to say it loud : I'm black and I'm proud!

2 commentaires:

  1. « Tout-à-fait fréquentable »... Je n'aurais pas dit ça comme ça. Cela dit il est vrai que je n'ai jamais
    eu accès, pour me faire une idée, au récit de ce qu'est aujourd'hui la vie des Noirs de là-bas. Seulement celui d'expat' blancs.

    (I want to say it loud: I'm first to comment here and I'm proud -- and I'm proud of you for bravely jumping into the blogosphere :-) ).

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  2. Désolée pour le raccourci, un peu rapide, il est vrai.
    I'm so glad that you're first to comment, you my teacher in blog.

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