3 avr. 2010

Un voyage à Cythère

Du Radeau de la Méduse au Bonoboat
Drame en 3 actes



Personnages :



Acte 1

Un vendredi soir de mars, mes amours et moi avons entrepris un périlleux périple à bord de notre Shortbus d'apparat afin de rejoindre quelques polys de nos amis dans d'hostiles plaines orientales.
Après de longues heures de route, nous arrivâmes fourbus mais heureux de l'accueil chaleureux de nos hôtes sur la scène flottante de cet épique aventure (pléonasme redondant, je sais, mais elle mérite tous les superlatifs).

Le souvenir de notre première rencontre bisouteuse avec l'équipage nous avait à tous laissé espérer un délicieux week end de luxe, de calme et de voluptés.

L'un de mes amoureux avait affiché l'ambition de monter à l'assaut d'une charmante autochtone. Forte d'avoir su "communiquer avec amour", j'envisageais cette perspective avec une relative sérénité.
Mais déjà le drame se jouait sur un autre front.

C'est que mon autre amour aussi nourrissait des espoirs d'une chasteté douteuse à l'endroit de notre hôtesse (et je l'appris plus tard, à l'envers de notre hôte). Sauf qu'au fait de mes premières craintes quant aux amours naissantes de mon autre trésor et inquiet de ma réaction face à cette nouvelle configuration, il avait omis de m'en faire part, attendant le pied du mur pour m'informer de son escapade.. à deux pas de mon lit.

Tremblante de colère et, je l'avoue volontiers, d'une jalousie que n'aurait pu apaiser, s'il avait été temps, qu'une longue discussion ponctuée de câlins, je montai sur le pont confier mes tourments à l'aube naissante.

Le décor est posé, l'intrigue prend tournure et déjà sonne à nos oreilles la question dont la réponse se fera attendre tout un week end d'hiver :
"Mais qu'allions nous donc faire dans cette galère?"

Acte 2

Scène 1
Sur le pont du bateau

Alors que je couchais sur le papier mes pensées sombres (à poil sous mon manteau et en charentaises.. en Alsace.. en mars.. il neigeait ! folle dingue!), je fus rejointe par notre hôtesse toute penaude du séisme involontairement déclencé et dûment armée d'une bouteille de jus d'orange et d'un paquet de clopes (truc à retenir pour qui voudrait me corrompre).
Je la rassurai bien vite sur l'objet de mon ire. Elle ignorait tout de mon ignorance des projets de mon maladroit à son égard et n'avait été que la circonstance de la découverte d'un sérieux problème de communication.
Nous profitâmes de ce matutinal moment d'intimité pour tenter de démêler les fils de sa vie pour le moins tourmentée.
Puis nous redescendîmes parmi les endormis, riches l'une et l'autre d'une nouvelle amie, afin de préparer le petit déjeuner.

Scène 2 Déjeuner en ville

Huit litres de café plus tard, une fois nos hommes levés, nous étions prêtes malgré la nuit blanche à affronter une journée dont le programme ouvrait encore une fois la porte à toutes les fenêtres.

Une bonne douche -allongée trois fois par la présence de mon Maladroit- m'ayant temporairement rassérénée, nous grimpâmes de nouveau à bord du fidèle Shortbus en quête de la toute puissante Reine des dieux de cette vallée.
Malgré les tensions sourdes, nous partageâmes dans une relative gaieté une vache et des patates, amplement méritées.
L'honneur de cette rencontre était attendu de longue date et la Reine des dieux éclaira cette fraîche journée de son sourire radieux et de ses conseils avisés.

C'est néanmoins fort las que nous nous reprîmes la route vers notre frêle esquif afin d'y prendre un court repos et de préparer corps et esprits à la prochaine soirée.

Scène 3 Sur le pont (bis)

De retour sur le bateau, malgré le poids écrasant de la fatigue et du chagrin mal éteint, je décidai de retenir mon Maladroit afin de venir à bout du malaise lancinant qui me tourmentait.

Ici, une petite digression s'impose sur ma façon toute personnelle de réagir aux évènements.

Je suis ce que j'appellerais une "hyper-communicante". Je suis consciente que ma perception des actions des autres ne correspond pas toujours à la réalité de leurs intentions, tout particulièrement lorsque ces actions me font souffrir.
J'éprouve un besoin irrépressible de comprendre les raisons de ma peine, je cherche tous les moyens, l'écriture, la parole, la musique, etc.. de savoir ce qui me blesse dans le comportement d'un être cher. Une fois que je pense avoir trouvé un commencement de réponse, je dois absolument en parler avec cette personne. Mon chagrin et ses manifestations sont aussi sujets à interprétations erronées que les actions de tout un chacun et il me faut d'une part les expliquer, d'autre part m'assurer que celui qui m'a blessée sache le pourquoi et le comment pour lui laisser une chance de ne pas reproduire le comportement blessant. Je peux revenir encore et encore sur un sujet (au risque, j'en ai peur, d'en devenir insupportable), aussi longtemps que de nouvelles clés de compréhension se font jour.. et tant que le malaise persiste.

Fin de digression.

Voici en l'occurrence, l'objet de mon tourment tel que je l'ai présenté alors à mon amoureux (et enrichi de réflexions ultérieures).

Tout d'abord, quoique j'aie su qu'une correspondance était engagée entre mon amour et notre hôtesse depuis quelques semaines, rien dans ce qu'il m'en disait ne laissait entendre qu'il se fut agit d'autre chose que d'une amitié naissante. L'une des plus belles qualités de cet homme étant son exceptionnelle capacité d'écoute et d'empathie, j'étais heureuse qu'une autre y trouve le même réconfort que moi.

Je n'ai compris que l'échange amical s'était mué en idylle qu'à l'instant où il m'exprimait son désir de dormir auprès d'elle. Le choc que je reçus sur le moment s'explique de plusieurs façons.
J'ai eu le sentiment d'être tombée dans un traquenard : Chacun de mes amoureux était donc venu retrouver une belle.. je n'avais été que la fournisseuse de Shortbus.

Le savoir avant de partir aurait-il changé nos plans ? Sincèrement, je ne le pense pas. J'aurais simplement eu l'impression d'avoir le choix de refuser.. et donc de consentir librement et en toute conscience.

Comment interpréter le silence de mon amoureux quant aux espoirs qu'il concevait vis à vis de notre hôtesse ?

Ici encore, on note le gouffre qui sépare ma perception de ses intentions :

Pour moi, ce silence était le signe qu'il doutait de ma capacité à accepter une situation qui est pourtant la base de notre relation, à savoir le fait qu'il éprouve des sentiments pour d'autres. Cela signifiait aussi qu'il était capable de me cacher des informations importantes pour éviter d'avoir à s'en expliquer.

Pour lui, il ne pouvait pas m'annoncer à l'avance ce qui n'était qu'une éventualité à ses yeux. Il ignorait la façon dont se concrétiseraient ces approches virtuelles et ne se sentait pas capable de formuler ce dont il n'était pas sûr.. craignant sans doute de voir ses espoirs anéantis du simple fait de les avoir exprimés.

Une fois ce point éclairci, il nous restait encore à trouver le moyen de sortir de l'ornière.
Il n'était pas question pour moi qu'il renonce à vivre la relation qu'il espérait. Non seulement je comprenais son désir et sa tendresse pour notre délicieuse hôtesse, mais encore étais-je réellement heureuse que ses sentiments soient partagés.
Et puis c'eut été trop facile ! Il n'est pas dans ma nature d'opposer un quelconque veto à l'amour de mes amours.. c'est contre ma religion !
Il lui faudrait donc réussir la prouesse, tout en s'abandonnant à son ivresse, de trouver les mots et les gestes qui me rassureraient et me rendraient la confiance en sa sincérité.

Tout ceci ayant été dit avec force larmes et maladresse de ma part, nous restâmes sur ces bonnes résolutions et redescendîmes bras dessus, bras dessous rejoindre nos amis encore tout ensiestés dans le chaleureux giron de notre embarcation.



Scène 4 Six poly sur un bateau

L'après-midi s'était déroulé sans incident notable, voire même dans une légère effervescence, dans l'attente de la soirée prévue.
Le dîner au restaurant fut pour le moins agréable et les regards coulissants laissaient présager une issue.. pluriellisante.

De retour sur le bateau, l'ambiance était aux chandelles, à la musique douce, au champagne et aux épices. L'ivresse à mesure qu'elle faisait briller les yeux commença à rapprocher les corps.
Les consciences étaient sereines, mais l'inconscient en embuscade n'attendait que son heure pour un nouveau sursaut.

Les corps blancs enlacés dans leur nudité la plongèrent dans le noir.

De langoureuse, l'atmosphère se fit d'un coup pesante. L'une se relevant doucement du choc, l'autre s'abandonnant à sa frustration. Mon Maladroit et moi tentâmes une médiation. Les blessures amoureuses font parler une langue étrange qui demande quelques fois les services d'un interprète.

Je me trouvai quant à moi rassérénée de voir mon autre amour dans les bras de sa nouvelle belle. Deux d'entre nous au moins seraient heureux ce soir et au milieu de toute cette agitation, je découvrais enfin le sens de "compersion". Ils disparurent discrètement et ne se manifestèrent plus qu'au paroxysme de leur plaisir.

Quant aux quatre restés à quai, nous passâmes encore la nuit en paroles, à la recherche sinon du consensus, du moins de la compréhension.
Au petit matin, je cédai aux injonctions de Morphée qui me tendait les bras et partis me coucher, laissant derrière moi ceux qui avaient encore tant à se raconter.



Acte 3

Scène 1 Six poly sur un bateau (bis)

La nuit avait feutré de son obscurité les conversations qui devaient se tenir. Ce sont des corps groggy par le manque de sommeil mais des âmes apaisées par le dialogue renoué que le matin brumeux vint timidement cueillir.
Malgré un solide repas et de nouveau des rires, une armure encore devait se fissurer.
L'insouciance n'est pas un vaccin imparable aux tempêtes du coeur, mais l'amour et la tendresse savent sécher les pleurs.

Ce dernier récif passé, le bateau flottait encore. Le temps reprit son vol et aux heures propices, subtilement, à nouveau, les regards coulissèrent, les pensées, les envies, se firent plus légères.

Un éclair de peau blanche, une serviette qui glisse, le signal est donné des délices de Cythère.

Scène 2 Sur la route du retour

Un dernier baiser à notre hôtesse, un dernier regard à l'abri de nos aventures et mes amours et moi reprîmes le chemin des frimas parisiens à bord de notre fidèle Shortbus.
Un arrêt sur la route s'imposa pour épancher les larmes qui embuaient le regard (et gênaient la conduite) de mon Maladroit. Le trajet du retour se fit sans encombres.. sans paroles ou presque, aussi ; chacun trouvant en soi-même un peu de silence et de paix... ou pas.
La nuit était déjà bien entamée lorsqu'enfin nous rendîmes nos corps fourbus et nos âmes cabossées au sommeil réparateur qu'ils réclamaient.

Nous avions survécu au week end de tous les dangers, évité le naufrage, redessiné les cartes et forcément, en arrivant au port, nous avions changé.

RIDEAU.

3 mars 2010

Giboulées

Le problème quand on n'a rien posté depuis plus de deux mois, c'est qu'on a tant de choses à raconter qu'on ne sait plus par où commencer.

L'identité nationale?
Ou comment avoir honte de son pays et de ce qu'en fait son gouvernement. Une grosse envie de rendre son passeport et de préférer l'apatridie à la nationalité discutable. (Une bonne envie aussi de jouer au bowling avec la tête de certains ministres).

Le séisme en Haïti ?
Ou comment trembler avec la Terre pour la vie de ceux que l'on connaît si peu, mais tellement déjà. Voilà bien longtemps que je n'avais pas pleuré devant ma télé. Voilà bien longtemps aussi qu'un ami ne m'avait pas inspiré l'admiration qui me fait un orgueil de ton amitié, ECP.

La Saint Valentin ?
Solitaire, l'an dernier, pléthorique cette année. Avec une fête, des rires, des baisers, de nouveaux gens à aimer. Et puis pouvoir fièrement servir à mon aimé un peu de la mémoire de mon Papa pour le dîner.

Mes amours doubles aussi, qui croissent et embellissent.
Se trouver à nouveau dans le sens du courant après s'être obstiné à ramer contre le vent. Et voir l'amour nouveau s'enraciner dans son évidence et résister, lui aussi aux premières turbulences.

L"Amour" à la télé ?
un microévènement qui a eu le mérite de me faire rire et de m'attirer des regards de biais dans le métro.

Mon travail sur les trans, ou la reconnaissance d'un métier qui longtemps m'a tenue pour quantité négligeable et qui désormais s'aperçoit que je pense.

Et les anniversaires.

Il y a un an environ, j'ai tourné les talons, bien décidée à m'en tenir à ma détermination et j'ai fui avec toute la dignité dont j'étais capable ta trop douloureuse valse hésitation. S'en sont suivis trois mois dans le noir, sans ta lumière et sans tes bras. Tu m'es revenu depuis et tu t'es installé, pas à pas, dans ma vie. Et je suis bien consciente que ton absence d'aujourd'hui ne dure que le temps que durent les vacances.

Et puis le 3 février, nous aurions fêté les 60 ans de mon Papa.

27 déc. 2009

Noëls pluriels

Si ma vie a jamais eu un quelconque intérêt "[é]romanesque", elle a atteint cette semaine son paroxysme de bonheur étrange et "blogogénique" (oui, c'est noël, je m'offre des mots..).

Les fêtes de Noël sont un défi d'organisation, notamment pour les familles nombreuses, les recomposées, les couples, à peu près tout le monde, en fait..
Organiser ses réveillons lorsqu'on vient d'une famille nombreuse et qu'on a deux amoureux, ce n'est pas multiplier par trois la difficulté, c'est l'élever au cube.

Mardi, la Belle Amazone me proposait quelques heures de détente dans un petit hammam naturiste et mixte du Marais. En compagnie de l'Eau Qui Dort (fort opportunément atteint d'une maladie qui l'empêchait d'aller au boulot mais pas au hammam), la journée défila dans la vapeur, les remous, les douces caresses, la complicité, d'un un écrin de chaleur au milieu de l'hiver. Le goûter au Loir, l'amitié naissante, l'amour partagé, les regards échangés, laissèrent sur toutes les lèvres le goût du délicieux inattendu.

Mercredi, j'accompagnai l'Eau Qui Dort en Normandie à la rencontre de son père et sa famille. Je suis toujours émue d'un voyage en amoureux. Prendre le train ensemble, explorer ensemble de nouveaux lieux, contempler de nouveaux paysages, rencontrer ceux qui comptent, ouvrir une des fenêtres de sa vie.

Jeudi, je rentrai tout droit chez l'Homme où je passai l'après-midi à m'ébattre joyeusement dans sa cuisine, bien décidée à impressionner toute sa famille qu'il réunissait chez lui le soir même pour réveillonner. C'est cette famille débordante d'amour qui était impressionnante. Leur accueil chaleureux, la complicité de sa sœur, la pudeur tendre et bourrue de son père, la bienveillance de la "grand-mère adoptive", le rire de son beau frère, et sa nièce de 14 jours à peine qui s'endort dans mes bras.. et planant sur moi, le regard fier de l'Homme, sa tendresse, sa confiance, ont fait de ce réveillon un des moments les plus émouvants que j'aie vécus cette année.

Vendredi, c'était au tour de l'Homme de me suivre au déjeuner familial, de rencontrer ma mère et ma sœur, de voir l'endroit où j'ai grandi, encore tellement chargé de la présence de mon père. Enfin, l'après-midi et la soirée nous offrent un rare et précieux moment dans notre bulle d'amoureux.

Samedi, mon noël familial officiel ayant lieu dimanche, je suis relativement en retard sur ma course aux cadeaux. La date a l'avantage de m'épargner les hordes de consommateurs dans les magasins, et c'est au bras de l'Eau Qui Dort que je me lance dans ma quête. Je me laisse par moments distraire de mon objectif et m'autorise quelques détours. On sous estime souvent l'intérêt érotique des cabines d'essayage des boutiques de lingerie..

Dimanche, en famille :
" Tu as fêté noël dans leurs deux famille?
Oui.
Là, ça devient étrange
Oui."

C'est étrange, et beau, et doux que d'aimer et être aimée deux fois.
Mes amours m'ont fait vivre ces derniers jours comme dans un rêve... en mieux ;)

Joyeux Joyeux Noël.

18 déc. 2009

Le coup de la panne

C'est le paradoxe de la plume : plus votre vie est riche, en émotions, en sensations, en nouveautés, en aventures extraordinaires, en amis, en amours, en changements, en bonheurs (liste non exhaustive), bref, plus vous avez de choses à raconter, moins vous vous en sentez capable.

Peut-être est-ce dû à une subite et inattendue augmentation des oreilles amies, peut-être à l'urgence de vivre, peut-être aux tribulations chrono-phages du cœur, peut-être aussi un peu à l'envie de garder jalousement pour soi les beautés de sa vie..

Toujours est-il que depuis Toi, et Toi, et Toi, et Nous, Nous Deux, Nous Trois, Nous Tous, ma plume est sèche et stérile.

Et pourtant je voudrais crier vos noms à tous, vous mes bonheurs, pour prouver au monde qu'il sait être beau.

28 nov. 2009

November rains

Je vis parfois des mois à thèmes, des mois où tous les évènement se joignent et s'entrecroisent selon un schéma qui n'apparaît qu'une fois le thème révélé.
Ce mois de novembre s'est déroulé comme après une grosse averse, le torrent creuse son sillon.

Dans les premiers jours, je tombai sous le charme d'une Eau Vive. J'étais hypnotisée par la majesté de ses volutes, par la fluidité avec laquelle elle roulait sur les rochers, par le son haut et clair de son rire et l'éclat brillant de ses prunelles.
Ce soir-là, l'Eau Vive était accompagnée de sa discrète amie, la Brise d'un Soir d'Été, dont le sillage au parfum de vanille ressemble à la caresse que n'ose pas sa timidité. Cette rencontre me laissa toute rêveuse devant la variété des beautés de la nature.
Quelques jours plus tard, l'Eau Vive décida de réunir les éléments amis au foyer de la Braise afin d'y célébrer une nouvelle révolution.
Après avoir dûment festoyé et vu partir les derniers convives, restaient encore l'Eau Vive, la Brise d'un Soir d'Été, la Terre en invitée et la Braise en son âtre, prêts à répondre à l'appel de la volupté.
Se laissant aller à la douceur de la nuit, l'Eau Vive entreprit de faire de la Terre son lit, tandis que la Braise ravivait ses flammes au souffle de la Brise.
Dans le tourbillon des éléments, de douce, la nuit se fit brûlante et humide, la flamme, l'eau, l'air et la terre s'unissant dans une danse à faire pâlir les étoiles.
Ce n'est qu'à l'aurore naissante que Morphée laissa l'Eau Vive s'apaiser, bercée par la Brise et la Braise à nouveau se blottir au creux de son foyer de Terre.

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais nous n'étions encore qu'au début du mois.

Après une semaine, redevenus humains, c'est l'âge avancé de l'Homme que nous célébrions. Tout à la chaleur du flot continu des amis, l'Homme n'y vit que du feu lorsqu'un tsunami à démonter les portes apporta la joie indicible des belles surprises que l'amour inspira et que l'amitié permit.
Et c'est bien une larme qui perla à mon œil en voyant le bonheur dans celui de mon Homme.

L'histoire, encore une fois eût pu s'arrêter là, mais nous n'étions pas encore à la fin de ce mois.

Un soir, j'attrapai froid. Aimer rentrer à pieds sous la pluie de novembre est à ce prix, parfois. La fièvre et la musique ayant eu raison de projets une fois de plus aquatiques, j'aurais pu me résigner à rester au sec. C'était sans compter la visite de l'Eau Qui Dort.
L'Eau Qui Dort est un lac, du moins je le croyais, dans lequel j'avais déjà plongé des yeux rêveurs. Sa surface paisible absorbe les images et les sons et vous rend en échange un reflet sublimé. L'Eau qui dort m'offrit de soulager mes maux et un bouquet de roses plus tard, fit honneur à sa réputation. De ce miroir lisse surgit une montagne au sommet de laquelle je me trouvai juchée. Son flux et son reflux me laissèrent épuisée et dans un cri, enfin, mes douleurs envolées.

Je vous écris ce mot au retour d'une soirée où une enfant de cinquante ans me ramenait aux bras de mon père en faisant pleuvoir sur toute une salle les perles de sa voix de cristal.

Le mois de novembre n'est pas encore tout à fait terminé et je m'en vais retrouver la douce chaleur de mon cher Embrasé.

4 nov. 2009

Maelström

J'adore ce mot.. il est imbitable (on dit ça en radio), avec sa diphtongue, son tréma et toutes ces consonnes au milieu, un gros bordel en "lstr".

Ma vie du moment aussi, c'est un gros bordel en "lstr".

Il y a l'Éternel Voyageur qui revient de ses tribulations et qui encore une fois va atterrir chez moi. Sa valise sera pleine des merveilles qu'il aura vues et qu'il voudra me faire partager. Ses yeux seront pleins de l'amour qui ne s'est jamais éteint et que nous avons renoncé à définir. Sa présence sera comme toujours l'occasion de rires, de tendresse et immanquablement de colères homériques. J'attends ce retour avec une hâte mêlée d'appréhension.

Il y a la Grande Dame à qui la vie fait la gueule. Elle vient réfugier son âme bleuie sous les coups du sort dans le giron des rares amis que le malheur n'a pas fait fuir. Sa valise sera pleine du désespoir qui la chasse de chez elle et ses yeux seront pleins de l'orgueil de celle qui a tant souffert qu'elle ne demande plus d'aide. Pour elle il me faudra déployer les trésors d'humour et de légèreté qui me restent et faire comme si cette seule énergie pouvait panser la jambe de bois qu'elle voudrait brûler.

Il y a le Nouvel Ami au regard doux et à la parole sage. Le trouble qu'il provoque par l'intérêt qu'il me porte, par la proximité de nos interrogations et des réponses trouvées. La curiosité d'une nouvelle âme à aimer, d'un nouvel esprit à explorer.

Et puis il y a l'Homme qui me cerne de sa tendre bienveillance. Il a trouvé dans mes défaillances l'occasion de m'offrir ce que j'ignorais désirer. Il donne l'amour sans le nommer mais connaît les mots qui apaisent les peurs et les caresses qui consolent des chagrins. Et je me surprends à chaque pas à vérifier qu'il est bien là, prêt à me rattraper si je tombe.

Alors je reste droite, debout au cœur du maelström. Capable d'accueillir ensemble la joie des retrouvailles et la peine du départ, capable d'ouvrir ma vie à ceux qui veulent y entrer parce que je suis forte de la chaleur de ma flamme.

9 oct. 2009

Mozart chez les Zoulous

Vous avez-vu comme moi disparaître le soleil ces derniers jours.. ne cherchez plus, il est au théâtre du Châtelet jusqu'au 18 octobre.

Les amateurs de musique, notamment d'opéra et tout spécialement de Mozart connaissent par coeur l'oeuvre la plus populaire de la 2e moitié du XVIIIe siècle, j'ai nommé "La flûte enchantée". Un peu comme un Starmania de l'époque, cet opéra a été un véritable "arbre à tubes". Aussi, il est difficile pour le connaisseur de se laisser surprendre..
Jusqu'à cet improbable "Impempe Yomlingo".

Pour être tout à fait honnête, j'y allais un peu en traînant les pieds.. Grosse journée, grosse fatigue, voire léger blues, j'avais plutôt une grosse envie de pizza/télé/couette.. Mais j'étais attendue par ma maman, Mozart et l'Afrique.. grosse affiche!

En piste, donc!




Dès l'ouverture on est dans le bain.. Un chef, pieds nus et en treillis mais baguette à la main, dirige en sautillant un orchestre de balafons. Chaque note, chaque nuance et chaque intention y est, tout Mozart en percussions.. et mon jeudi morose se transforme déjà en sourire béat.
En fait, du début à la fin, la partition et le livret sont scrupuleusement respectés. Les paroles sont traduites et chantées en anglais et en xhosa mais loin d'en souffrir, le phrasé y gagne une nouvelle fraîcheur.

La mise en scène, la distribution et les arrangements rendent à cette grande oeuvre le rang suprême qu'elle n'aurait jamais dû quitter de divertissement populaire.

J'ai frôlé le fou rire en écoutant chanter Papageno et ses "Birdies", la puissance comique de ce Papageno est tout simplement sensationnelle!
Les esprits-guides apparaissent en revival de la Motown des 60's façon Supremes (elles s'appellent d'ailleurs les "Spirits") et plus tard en nuisettes roses et ont un sacré swing.
Pour la première fois (j'ai vu cet opéra sur scène une dizaine de fois en vingt ans), même le romantisme un peu mièvre de Tamino et Pamina ne m'a pas fait plisser le nez.
La sérénité de Sarastro et la colère de la Reine de la Nuit se diffusent avec la même énergie, sans pour autant tomber dans le manichéisme que j'ai souvent eu l'occasion de regretter dans les versions classiques.

L'interprétation est donc réussie quoiqu'elle présente parfois quelques faiblesses vocales que l'on aurait du mal à pardonner à des interprètes lyriques. Mais les pièges sont détournés avec grâce et même une certaine astuce.



Le grand air de la reine de la Nuit, peut-être le plus célèbre et le plus difficile de tout l'art lyrique, toujours très attendu, est audacieusement négocié par son interprète : certes, elle peine un peu sur le staccato mais s'en sort en jouant les nuances, et surtout sur la grande vocalise liée, elle parvient à chanter chaque note en modifiant légèrement la mesure. Un moment finalement très émouvant car l'écueil est magistralement contourné et sublime le génie de l'écriture.



La mise en scène est également un tour de maître puisque chaque protagoniste est à la fois musicien, chanteur et danseur et les postes s'échangent au fil des scènes en un ballet virevoltant.

En parlant de ballet, les scènes chorégraphiées, si chères au compositeur sont ici un régal pour les yeux. La danse africaine est chez elle en mozartie et très bien servie par des costumes traditionnels flamboyants de couleurs.

Je me rends compte en écrivant qu'aucun mot ne saurait décrire la chaleur et la jubilation contagieuses de ce spectacle. Aussi, je m'en tiens là et prends le pari que vous aussi aurez envie de sauter du velours rouge des sièges pour danser frénétiquement au rythme des tam tam de Mozart.

4 oct. 2009

De l'art délicat d'être une fille

J'ai toujours cru que j'étais une fille : chromosomes XX, OK ! seins, fesses, hanches, OK ! cycle tout bien régulier, OK! art consommé de la séduction à l'ancienne, battements de cils, effleurements, feinte indifférence puis abandon, OK! Une fille, une vraie, avec toutes les options.

Sauf que.. (ben oui, forcément!)
Depuis quelques jour et sous l'effet d'un petit traitement médical, je découvre un monde jusqu'ici insoupçonné.

Bien sûr il m'était arrivé d'observer chez mes congénères quelques inexplicables changements d'humeurs, pleurs intempestifs et emportements éruptifs, nervosité extrême et injustifiée, toutes sortes d'étranges symptômes que d'aucuns qualifieraient de poussées d'hormones..

Mais moi? Moi qui viens de passer vingt ans à apprendre à maîtriser sinon mes émotions du moins leur expression ? Moi qui me fais un orgueil d'affronter toute épreuve avec philosophie et placidité ? Moi qui ai mis toute ma dignité à survivre à mon père ? Moi qui ai pu garder les yeux secs quand les larmes coulaient de ceux de mon amour qui pourtant me quittait? Pouvais-je subir l'assaut des mêmes débordements hormonaux et faiblir ??

Naïve fillette! Un petit cachet tous les matins pendant 3 semaines..
Au terme de la première, me voilà ravalée au rang de boule de nerfs! Limite au bord des larmes à la moindre contrariété. Défoulant mon angoisse d'origine inconnue dans une frénésie ménagère quasi contre-nature. Et ne trouvant la paix que dans le regard compatissant et l'étreinte des grands bras de l'Homme.. (merci pour les câlins !)!!

Fichtre ! Quelle est cette condition qui donne prise sur moi à la laideur, à la frustration, à l'angoisse, à la beauté, à l'amour, à l'Autre ? Je suis bien trop fragile pour le maelström émotionnel ! Je veux retrouver ma liberté, ma lucidité, mon calme, ma raison, mon extravagance et mon contrôle!

Si être une fille est à ce prix, je ne serai que Moi, ça me suffit !

26 sept. 2009

A plusieurs..

Je viens de voir dans ma boîte à images un reportage qui m'a fait bondir..
Jugez un peu.. un groupe américain de post-hippies qui lors de week-ends champêtres dansent la farandole en pagnes et colliers à fleurs et se masturbent collectivement dans la salle polyvalente du village.. L'effet papillon pour ne pas la citer est habituellement une émission que j'affectionne, décalée, effrontée, et généralement plutôt fâchée avec les clichés. Pourquoi donc aller chercher si loin des polyamoureux caricaturaux qui ne peuvent qu'alimenter le mépris goguenard de la bienpensante société monogame?

Le polyamour n'est que le nom, découvert récemment, d'une réalité pour moi bien plus ancienne.. je dirais même originelle.
Aussi loin que je me souvienne, mes relations amoureuses n'ont jamais souffert une exclusivité de principe. A quelques rares exceptions près, lorsque je vis une relation amoureuse, si stable et intense soit-elle, elle n'exclut jamais de pouvoir mener parallèlement d'autres relations, affectives, romantiques, sensuelles, passionnelles même,avec d'autres partenaires que mon amoureux principal et préféré.

Fieffée s..! me direz vous.. et pas très originale: qui n'a jamais "trompé" son mec?
Sauf que je ne trompe personne. Je ne me suis jamais cachée aux yeux de mes compagnons, principaux ou secondaires, de ma conception de la vie et du couple.
Je ne me sens pas "lésée" en soi par la relation de mon amoureux avec une/un autre, pas plus que ma relation avec un/une autre ne le lèse en soi. Certes je peux souffrir de me sentir délaissée, lorsque dans l'excitation d'une rencontre ou les affres d'une séparation, je ne suis plus l'objet principal de ses pensées. Mais je suis consciente aussi que ces relations alimentent notre histoire en ce sens qu'elles le construisent et lui apportent un regard sur lui-même différent du mien.

Cette façon de vivre et d'aimer m'est aussi simple et naturelle qu'une monogamie exclusive (et souvent agrémentée de coups de canif dans le contrat) pour la plupart des gens. Le plus compliqué finalement, c'est cette incompréhension mêlée d'incrédulité dans l'oeil de mes interlocuteurs "monoamoureux". Les questions les plus fréquentes tournant évidemment autour de la jalousie, il leur semble inconcevable que je n'éprouve pas le besoin d'être la seule relation de mon partenaire pour m'en sentir aimée. Il leur paraît plus improbable encore que le partenaire en question se satisfasse de la situation et ne se sente pas "dépossédé" lorsque d'autres personnes partagent ma vie.

Quelques mises au point me semblent donc nécessaires.

Quand j'appelle mon amoureux et qu'il me demande de rappeler plus tard parce qu'il est en galante compagnie, je lui souhaite une bonne soirée et reprends mon bouquin, mon boulot ou toute autre activité, sans que cela me trouble le moins du monde. Il ne s'agit pas d'indifférence, je suis folle de mon amoureux, il s'agit de respecter son intimité et sa liberté. Par ailleurs, je n'ai aucune imagination et ne suis donc pas harcelée par l'image de ces mains aimées caressant un autre corps.

Je n'éprouve pas le besoin de nouer d'autres relations PARCE QUE mon chéri a quelqu'un dans sa vie. Chacun de nous mène ses histoires selon son propre rythme.
Lorsque je rencontre quelqu'un qui me plaît et réciproquement, pas un instant cela ne remet en cause mon histoire principale. Et si, comme cela peut arriver, quoique rarement, le nouveau venu souffre de la situation, eh bien il vient d'apprendre qu'il n'était pas polyamoureux.

Je ne souffre d'aucune pathologie affective ou sexuelle qui me pousse à multiplier histoires et partenaires. Je me laisse guider au gré des flots par la vie et ses rencontres et donne à chaque relation que je noue la possibilité d'aller au bout de ses potentialités.

Enfin, je respecte et me sens respectée dans ma liberté, ma conscience de moi-même et de l'autre et dans les principes éthiques qui régissent ma vie lorsque personne ne prétend mieux que moi-même connaître la façon dont j'aspire au bonheur et à l'épanouissement.

Cela ne génère-t-il pas des conflits au sein de mon couple?
Ce que cela génère, ce sont des discussion, des réflexions, des introspections, et si des conflits apparaissent ils portent sur la relation que nous vivons à deux, en aucun cas les relations extérieures ne doivent être un obstacle à notre histoire.. et si c'était le cas, ce serait simplement le symptôme d'un dysfonctionnement interne du couple.

Pourquoi donc éprouvé-je le besoin d'une révélation publique?
Parce que je ne vois aucune raison de me cacher mais qu'en revanche le côté "freaky lovers" et hippies échevelés me paraît quelque peu réducteur. Le polyamour n'est ni plus ni moins qu'une alternative à la monogamie exclusive et possessive et j'estime que, comme toutes les alternatives aux comportements communément admis par notre belle société judéo-chrétienne, celle-ci mérite d'être exposée, démythifiée et débattue.

J'aime pleinement, passionnément, respectueusement mes amours, mes amants et mes amis (et je ne danse pas la farandole en collier à fleurs, ni ne me masturbe en public, non mais!).

Merci.

22 mars 2009

Lettre à mon arbre

Voilà un an qu'un arbre me pousse dans la tête.
Un arbre hors du commun, bien sûr (puisqu'il est dans ma tête), qui à peine planté jetait déjà sur moi l'ombre protectrice et apaisante de ses branches.

Ses premières racines sont nées dans les souvenirs de l'enfance, dans la chaleur du sol d'Afrique sous mes pieds alors qu'une main immense serrait fermement la mienne et enroulait son petit doigt autour de mon poignet. Elles sont nées de chants grégoriens auxquels je ne comprenais rien mais dont la gravité, de même que le vieux livre noir dont ils étaient issus, m'inspiraient un respect mêlé de fascination. Elles sont nées dans les massages de genoux au retour du tennis dominical. Elles sont nées dans l'étreinte, le regard, l'odeur, la voix, dans le rire qui ne résonne plus qu'à quelques mémoires privilégiées.
Elles sont nées dans l'empreinte de ce que l'arbre était.

Dans ce fertile terreau, sitôt l'arbre planté, les racines se sont érigées en un beau tronc solide, à l'écorce encore tendre qui laisse deviner sa volonté de grandir encore. Ce tronc n'est que force immobile, silencieuse, mais en permanence alimentée par le respect, le soutien, la compassion, la bienveillance, en un mot l'amour des miens. C'est au pied de ce tronc que peuvent s'adoucir l'orgueil, éclater les joies et enfin, la pudeur du chagrin suspendre son combat.

Et les branches s'épanouissent dans leur majesté, aussi larges et riches que le fut ta pensée. Chaque frémissement des feuilles me souffle par bribes l'écho de ta sagesse. Et lorsque la tempête menace d'emporter avec elle ma raison, ma volonté et mon espoir, je me réfugie sous l'aile immense du souvenir de la confiance gagnée, de l'harmonie conquise, de notre merveilleuse quoique tardive complicité.

Alors, mon arbre, depuis un an que tu résides dans ma tête, je me permets de te faire part de ce que tu m'as inspiré.
J'ai soutenu maman du mieux que je le pouvais, j'ai aimé mes amis, travaillé dur, veillé sur mes principes, réalisé des rêves, en ai formulé d'autres, vu les États-Unis élire un président noir, aidé des gens, beaucoup ri, pas mal pleuré aussi..

Et un homme est entré dans ma vie.

"Encore?" me diras-tu..
Encore, oui.. Enfin.

Et j'ai connu le regard qui caresse, la voix qui enrobe, la douceur, la tendresse, la connivence, l'intelligence, la chaleur, l'attente, la douleur, l'espoir..
Et à côté de toi mon arbre, regarde, un autre arbre commence à pousser, en fait ce n'est encore que l'idée d'un arbre.. il prendra ses racines dans l'avenir et déjà, j'attends de pouvoir m'adosser à son tronc de confiance et de me reposer à l'ombre de ses branches.


A mon Papa.